DOSSIER FAMILIAL - 13 avril 2018 - Parer les arnaques quand on fait construire
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Défaut de conception, non-respect des délais, surcoûts injustifiés : les risques sont multiples, et l’affaire peut virer rapidement au cauchemar. Voici comment éviter les dérapages et défendre vos droits.
- Dossier Familial
- 13 Apr 2018
- Par Pauline Clément David RODRIGUES Juriste à la Confédération logement et cadre de vie (CLCV) Marcel RINALDI Correspondant de l’association d’aide aux maîtres d’ouvrage individuels (Aamoi)
« Le constructeur nous avait dit que la maison pouvait être livrée en six mois. Dans le contrat, il a indiqué neuf mois, et il a mis vingt jours de plus ! », témoigne Emmanuel Viandier, qui a fait construire en Normandie (voir p. 46). Un délai par rapport à la date de la livraison contractuelle vous donne droit à des pénalités journalières de 1/3 000e du prix de la maison. Les retards liés à des travaux non prévus initialement ne comptent pas, pas plus que ceux dus aux intempéries. Demandez au constructeur de prouver qu’il a déposé une déclaration pour les jours concernés à la caisse Congés Intempéries du BTP.
Prévenir : « Ne payez qu’au fur et à mesure de l’avancement du chantier. Même si le constructeur vous presse, contrôlez que ce que vous allez régler correspond à la réalité sur le terrain », conseille David Rodrigues, à la CLCV. Par exemple, au moment de verser l’acompte quand la maison est hors d’eau et hors d’air, vérifiez que toutes les fenêtres sont posées. Cela peut inciter le constructeur à avancer.
Guérir : « Les pénalités s’appliquent dès le premier jour de retard. Passé trente jours, vous pouvez les réclamer directement à l’organisme qui fournit la garantie de livraison en lui signalant le retard par lettre recommandée
avec accusé de réception », précise Marcel Rinaldi, correspondant de l’association d’aide aux maîtres d’ouvrage individuels (Aamoi) qui accompagne ceux qui veulent faire construire leur maison.
L’ENTREPRISE ABANDONNE LE CHANTIER
Quelque 137 520 entreprises du secteur de la construction ont fait défaut en France entre 2008 et 2014, selon la Coface. Le risque de voir le constructeur déposer le bilan avant d’avoir terminé la maison existe bien. Attention, certaines marques nationales comme Mikit ou Maison Pierre reposent sur des réseaux de franchisés qui, individuellement, peuvent avoir des soucis financiers.
Prévenir : voir page 48 comment trouver des indices de pérennité du constructeur.
Guérir : si le chantier n’avance plus et que la livraison est en retard, avertissez le garant de la livraison. Il devra mettre le constructeur en demeure de terminer le chantier abandonné. Si rien ne se passe, « il en désignera un autre pour achever la maison », explique David Rodrigues. Agissez de même s’il n’y a pas encore de retard de livraison mais que votre constructeur est en redressement judiciaire ou fait l’objet d’une procédure de sauvegarde.
LES MALFAÇONS SONT NOMBREUSES
Fissure, carrelage mal posé, fenêtre qui ferme mal… En principe, lorsque la maison est terminée, vous réceptionnez les travaux en notant dans le procès-verbal tout ce qui ne va pas. Vous pouvez refuser de payer les 5 % restants du prix jusqu’à ce que tout soit rentré dans l’ordre (cette somme sera consignée par exemple auprès de la Caisse des dépôts, consignations.caissedesdepots.fr). En pratique, le constructeur menace souvent de ne pas remettre les clés si vous ne payez pas ou émettez trop de réserves.
Prévenir : passez régulièrement sur le chantier pour faire corriger ce qui ne va pas.
« À chaque appel de fonds du constructeur, le contrat de construction de maison individuelle (CCMI) permet de demander une visite de validation des travaux. Vous pouvez être accompagné par quelqu’un qui s’y connaît, afin de détecter des anomalies », rappelle Marcel Rinaldi. Voire exiger à chacune de ces visites un procès-verbal pour mentionner les problèmes. « Si le constructeur refuse la visite, vous avez le droit de ne pas payer l’appel de fonds », précise l’expert. Il prétexte que cela va retarder la livraison ? Répondez-lui que cela ne l’empêche nullement de poursuivre le chantier.
Guérir : le jour de la réception des travaux, l’idéal est de ne pas verser les 5 % restants. « Il s’agit d’un forfait indivisible, vous pouvez refuser de le verser, même pour une poignée de porte, insiste Marcel Rinaldi. Si la situation est trop tendue, signez le procès-verbal de réception et envoyez dans les huit jours par recommandé avec accusé de réception une liste de réserves complémentaires. »
PENSEZ-Y // Ne signez avec un professionnel qu’après avoir reçu ses attestations d’assurance et vérifié auprès des assureurs que les travaux envisagés sont bien couverts et que l’assurance est toujours valide.
LA TROMPERIE SUR LES MATÉRIAUX
Volets de piètre qualité, murs blancs et non du gris demandé… et un constructeur qui vous explique, à la réception des travaux, que les défauts esthétiques ne sont pas des malfaçons, qu’ils ne donnent donc pas lieu à réserve.
Prévenir : « La notice descriptive, qui fait partie intégrante du CCMI, est destinée justement à répertorier dans le détail tout ce que vous commandez, jusqu’à l’épaisseur des volets et à la qualité de leur bois, la marque des équipements, la couleur ou l’épaisseur du parquet, la référence des poignées de porte, etc., explique Marcel Rinaldi. Tout ce qui y est La remise des clés a duré quatre heures en présence d’un huissier“Emmanuel Viandier a fait construire sa maison près d’évreux (27) Notre constructeur, l’entreprise Secti, a été de bon conseil au début, pour l’orientation de la maison, par exemple. Mais, lors des fondations, une poutrelle a été placée 20 cm trop loin. Le temps de la déplacer, le chantier a pris d’emblée un mois et demi de retard. En passant très souvent, j’ai fait corriger au fur et à mesure beaucoup de ce qui n’était pas fait comme prévu. Puis le conducteur de travaux a quitté l’entreprise, et nous n’avions plus d’interlocuteur. Maintenant, je remarque que le constructeur a rogné sur certaines prestations. La baignoire est un modèle moins cher que celui choisi, mais la différence ne nous a pas été remboursée. Le pire a été la remise des clés, qui a duré quatre heures, en présence d’un huissier que j’avais fait venir. Le constructeur prétend ne pas avoir à réparer les défauts esthétiques, comme des fissures et des angles mal réalisés sur l’enduit. Je me suis fait insulter dans ma propre maison. Je ne voulais pas régler les 5 % restant dus sur le prix de la maison tant que tout n’était pas rentré dans l’ordre. Mais le constructeur m’a assuré que les choses à reprendre ne représentaient pas une telle somme et menaçait de ne pas me remettre les clés. Depuis, rien n’a été fait. Cela fait deux mois que j’attends.
inscrit devient contractuel et doit être livré conformément à la commande. À défaut, vous pourrez émettre des réserves à la livraison et
refuser de payer les 5 %. » Faites tout consigner dans cette notice, sans vous laisser influencer par le commercial qui explique que vous pourrez vous arranger avec les ouvriers. Si le constructeur vous propose une baignoire de telle marque « ou équivalent », faites rayer cette mention, « sinon, à la fin du chantier, vous n’aurez que des “équivalents” dans votre maison », met en garde le spécialiste.
LES DEMANDES DE RALLONGE BUDGÉTAIRE RÉPÉTÉES
Le contrat de construction de maison individuelle fixe un prix ferme et définitif pour votre maison, qui peut être révisé seulement en fonction de l’indice BTO1, publié tous les
quatre mois au Journal officiel. Le constructeur ne peut pas l’augmenter à sa guise, même s’il découvre que la nature du sol va imposer des fondations plus onéreuses ou qu’il faudra évacuer beaucoup de terre. En revanche, vous devrez signer un avenant pour certaines prestations non mentionnées dans le contrat (un robinet extérieur pour arroser le jardin, etc.), suppléments facturés au prix fort.
Prévenir et guérir : assurez-vous que toutes les prestations évoquées avec le commercial sont listées dans le contrat et refusez de payer un supplément, même si le constructeur l’exige pour cause de mauvaise surprise sur le chantier. Dans ce cas, veillez à ce qu’il ne se rattrape pas en rognant sur la qualité des matériaux et des équipements.